Boîte 2 : Recherche qualitative > Module 1 - Comprendre la méthodologie
Boîte 2 : Recherche qualitative > Module 1 - Comprendre la méthodologie
Ce module a pour objectif de vous fournir les clés essentielles pour comprendre et maîtriser les principes fondamentaux de la méthodologie qualitative.
Vous y trouverez :
Les entretiens : Pourquoi et comment les réaliser, avec des conseils sur leur dynamique, les différents types (directifs, semi-directifs, non directifs), et les choix stratégiques liés au lieu et à l’enregistrement.
L’échantillonnage théorique et la saturation : Comprendre les logiques de diversification interne et externe, ainsi que l’importance de la saturation théorique pour garantir la rigueur de votre étude.
Le guide d’entretien : Un outil central pour structurer vos échanges, définir les thématiques et questions à aborder, tout en laissant place à la flexibilité et à l’adaptation en fonction de l’enquêté.
Le cadre de l’entretien : Les principes à respecter pour instaurer une relation de confiance, garantir la confidentialité, et adapter l’échange à chaque interlocuteur tout en respectant les contraintes méthodologiques.
L’analyse thématique : Une méthode incontournable pour découper, regrouper et analyser les unités de sens dans un corpus d’entretiens.
L’utilisation des verbatim : Comment sélectionner, restituer et analyser ces fragments textuels en respectant fidèlement la parole des enquêtés.
Des ressources bibliographiques
Les entretiens constituent une méthode qualitative essentielle pour explorer en profondeur les perceptions, expériences, et pratiques des individus. L’intégration des entretiens dans les techniques d’enquête marque une rupture fondamentale : elle permet de passer de la recherche de réponses préformatées, issues d’un savoir scientifique établi, à l’exploration des questions élaborées par les acteurs sociaux eux-mêmes.
Les entretiens permettent d’explorer en profondeur les perceptions et expériences des enquêtés.
Ils offrent une compréhension riche et nuancée, au-delà des réponses standardisées des enquêtes quantitatives.
Idéal pour investiguer des thématiques mal connues, accéder aux représentations sociales, et dépasser les échanges superficiels grâce à une introspection facilitée.
Les trois types d'entretiens
Directif : Collecte de données précises et comparables, plus proche des enquêtes quantitatives.
Semi-directif : Équilibre entre structure et spontanéité.
Non directif : Exploration libre et émergence de nouvelles thématiques, peut être difficile à analyser. .
Les entretiens semi-directifs sont les plus utilisés car ils permettent de combiner guidage et flexibilité, tirant parti des avantages des entretiens directifs et non directifs tout en réduisant leurs limites respectives.
Ces entretiens se présentent comme une discussion ouverte, mais s’appuient sur une liste de questions ou de thèmes à aborder, appelée guide d’entretien. Ce guide est un outil d’orientation et non une contrainte rigide.
Il est important de ne pas suivre mécaniquement l’ordre ou la formulation des questions prévues. Le guide doit être perçu comme un point de repère, permettant de garder le cap tout en respectant le flux de la conversation. Si l’enquêté aborde spontanément un sujet qui sort du cadre initial ou répond à une question de manière indirecte, il est préférable de s’y adapter. Reposer une question déjà traitée peut donner l’impression de ne pas avoir été écouté, ce qui risque d’affecter la qualité de l’échange.
L’échantillonnage théorique et le principe de saturation sont des piliers de la recherche qualitative. Contrairement aux approches quantitatives, l’échantillonnage théorique vise à explorer la diversité des phénomènes étudiés, plutôt qu’à représenter statistiquement une population.
La saturation théorique, quant à elle, marque le point où la collecte de données n’apporte plus d’informations nouvelles ou contradictoires sur les thèmes centraux de la recherche.
L’échantillonnage théorique
Contrairement à l’échantillonnage quantitatif, l’échantillonnage théorique se concentre sur les phénomènes étudiés plutôt que sur des caractéristiques sociodémographiques représentatives. L’objectif est d’explorer la diversité des attitudes envers un sujet, indépendamment de leur fréquence statistique.
Les types de diversification :
Diversification externe :
Étudie un phénomène à travers des groupes hétérogènes.
Permet de mettre en lumière les différences entre groupes.
Diversification interne :
Étudie un groupe restreint et homogène pour une analyse approfondie.
Fournit un « portrait global » d’un groupe spécifique.
Conseil : Justifiez toujours le type de diversification choisi et utilisez des sous-critères (âge, sexe, niveau d’études, etc.) pour enrichir la diversité théorique.
La saturation théorique
Dans un échantillonnage théorique, la collecte de données ne s’arrête pas à un nombre fixe d’entretiens. Elle se termine lorsque les catégories principales sont saturées, c’est-à-dire lorsqu’aucune donnée nouvelle ou contradictoire n’émerge sur un thème donné.
Principe de saturation :
Garantit que les données recueillies sont suffisantes pour répondre à la question de recherche.
Renforce la validité en obligeant le chercheur à approfondir chaque thème jusqu’à épuisement des variations possibles.
Ne concerne que les catégories principales de la recherche.
Estimation de la saturation :
Diversification interne : Environ 15 entretiens pour un sujet simple.
Diversification externe : 30 entretiens ou plus, selon la complexité et le nombre de catégories explorées.
Attention : La saturation, bien qu’essentielle, ne représente qu’une partie de la réalité étudiée. Elle doit être appliquée avec discernement.
Le guide d’entretien sert à structurer les échanges, éviter les oublis et permettre une comparaison entre les entretiens. Bien qu’il n’existe pas de structure standard, quelques principes sont à respecter.
Un modèle de guide peut être téléchargé ici.
Inclure le "talon" : Informations sociodémographiques et médicales (âge, sexe, profession, niveau d’études, etc.) qui peuvent être posées au début ou à la fin, selon la dynamique de l’entretien.
Structurer par thématiques : Les questions sont regroupées selon les aspects centraux de la recherche, avec des sous-questions ou relances pour approfondir si nécessaire.
Formulation neutre : Éviter d’induire les réponses ; privilégier des formulations ouvertes, comme « Comment se passent vos relations avec votre professionnel de santé ? ».
Tester et ajuster : Le guide initial est basé sur la théorie et la littérature, mais évolue au fil des premiers entretiens (souvent 4 ou 5). Certaines questions seront écartées, d’autres ajoutées selon les retours des enquêtés ou référents sociaux.
Flexibilité : Dans les entretiens semi-directifs, le guide est un support, pas une contrainte rigide. Respecter le rythme et les priorités de l’enquêté est essentiel.
Question libre finale : Ajouter une question ouverte en fin d’entretien pour découvrir des éléments inattendus.
La dynamique d’un entretien qualitatif repose sur une interaction complexe entre enquêteur et enquêté. Chaque choix — du lieu à la présentation du chercheur, en passant par l’enregistrement des données — influence la qualité des réponses recueillies.
Présentation et statut du chercheur
Le statut et la manière dont le chercheur se présente influencent fortement la dynamique de l’entretien et les réponses obtenues.
Modes et lieux de passation
Le choix du lieu ou du mode d’entretien impacte la qualité des échanges :
À domicile : Offre un cadre sécurisant et familier ; Permet d’observer l’environnement de l’enquêté ; Limite : parfois peu pratique ou inadapté à certains contextes.
Dans un cadre médical : Peut être trop formel et orienter les réponses ; Intéressant si le sujet s’y prête (ex. : observation du matériel ou des lieux significatifs).
Lieux neutres (ex. : café) : Ambiance détendue, mais attention au bruit et à la confidentialité.
Téléphone ou visioconférence : Pratiques et accessibles, mais limitent l’observation des éléments contextuels.
Conseil : Justifiez toujours votre choix de lieu ou mode d’entretien, et envisagez de mixer les conditions pour enrichir votre recherche.
Profils des répondants
Les bavards : Fournissent des entretiens riches mais parfois trop longs. Importance de recadrer pour rester dans le cadre de l’étude.
Les idéaux : Réponses claires et réfléchies, souvent idéales pour les verbatims. Ces entretiens se déroulent sans difficulté.
Les laconiques : Réponses brèves et peu développées. Nécessitent des relances fréquentes et la reformulation des questions pour encourager la réflexion. Tenez compte des inégalités sociales et linguistiques pouvant influencer la participation.
L’enregistrement des entretiens
L’enregistrement est une étape clé pour garantir une retranscription et une analyse fidèle des données :
Consentement : Toujours recueillir l’accord préalable de l’enquêté.
Utilisez deux sources d’enregistrement distinctes (microphone, téléphone, ordinateur - attention au RGPD) pour pallier tout problème technique.
Privilégiez des formats compressés (MP3, FLAC, OGG) pour économiser de l’espace.
L’analyse thématique est l’approche la plus couramment utilisée en recherche qualitative. Elle repose sur un découpage transversal de l’ensemble des entretiens, en regroupant les fragments de discours en thèmes définis par une grille d’analyse empirique. Cette méthode permet d’examiner les variations interindividuelles en confrontant les différents points de vue exprimés sur un même thème.
Découpage du corpus :
Identifier les fragments pertinents dans chaque entretien en fonction des thématiques préalablement définies dans le guide d'entretien.
Regrouper les extraits correspondant à un même thème, entretien par entretien.
Méthodes de thématisation :
Manuelle : Traditionnellement, les chercheurs utilisent des outils simples (stabilos de couleurs, annotations) pour coder les extraits par thème.
Assistée par logiciel : Les outils numériques facilitent le processus, en automatisant certaines étapes tout en permettant une gestion efficace des grands corpus.
Analyse des thèmes :
Une fois les thématiques définies, chaque thème est analysé de manière systématique en lien avec les questions de recherche, pour identifier des convergences, divergences ou nouvelles pistes.
Un verbatim est un extrait fidèle du discours d’un enquêté, retranscrit mot à mot à partir d’un entretien ou d’un échange. Ces fragments textuels permettent de rendre compte directement des propos recueillis, offrant une fenêtre sur les perceptions, expériences et représentations des participants. En recherche qualitative, les verbatim sont des éléments essentiels pour illustrer et enrichir l’analyse, tout en respectant la voix et la singularité de chaque enquêté.
Les verbatim jouent un rôle essentiel en recherche qualitative en permettant d’accéder directement à la richesse et à la profondeur des discours des enquêtés. Ils doivent être choisis avec soin : un verbatim représente une pièce remarquable, un extrait particulièrement significatif qui illustre ou éclaire les résultats de l’analyse.
Un verbatim ne doit jamais être simplement cité ou paraphrasé. Il nécessite une discussion analytique, qui en explicite la portée et le replace dans le contexte particulier de l’entretien. L’analyse repose sur le découpage en unités de sens, lesquelles sont analysées en fonction des thématiques étudiées pour mettre en évidence des nuances, tensions ou convergences dans les données recueillies.
Il est primordial de respecter la parole de l’enquêté et de ne pas déformer ses propos. Cela implique de restituer fidèlement ses mots et d’éviter toute interprétation qui pourrait aller à l’encontre de ce qu’il a exprimé. Chaque verbatim, replacé dans son contexte, devient ainsi un outil précieux pour enrichir et valider les conclusions de l’étude, tout en respectant la voix des participants.